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La Nouvelle Répuiblique
La France a lancé samedi un satellite militaire de dernière génération. Il permettra aux armées une meilleure communication et vise à asseoir la souveraineté française dans l’espace.
L’espace, nouveau terrain de conflit ? C’est en tout cas dans cette philosophie qu’a été conçu Syracuse 4A, un satellite de communication militaire présenté comme un bijou de technologie. La France a placé en orbite samedi depuis Kourou, en Guyane, ce satellite paré pour résister aux agressions. « Syracuse 4A est conçu pour résister aux agressions militaires depuis le sol et dans l’espace ainsi qu’au brouillage », détaille le colonel Stéphane Spet, porte-parole de l’armée de l’Air et de l’Espace.
En juillet 2020, les États-Unis avaient accusé la Russie d’avoir « conduit un test non-destructeur d’une arme antisatellite depuis l’espace », trois ans après l’approche d’un satellite espion russe sur un satellite militaire franco-italien.
Conçu pour résister à une explosion nucléaire
Syracuse est équipé de moyens de surveillance et d’une capacité de déplacement afin d’échapper à une telle agression. Là où ce satellite est particulièrement bien doté en termes de technologies, c’est qu’il est protégé contre les impulsions électro-magnétiques qui résulteraient d’une explosion nucléaire. « C’est le scénario de l’ultime avertissement, en cas d’échec de la dissuasion », explique Marc Finaud, expert en prolifération des armes au Centre politique de sécurité de Genève (GCSP). Selon lui, la dissuasion française repose en grande partie sur les sous-marins. « Si un adversaire est capable de modifier, pirater, endommager les communications avec les sous-marins, c’est la fin de la dissuasion. »
En soi, le satellite sert avant tout aux armées dispersées aux quatre coins du globe à pouvoir communiquer en toute sécurité et à haut débit, depuis des relais au sol, aériens, marins et sous-marins. Les besoins en données, multipliés par trois depuis la dernière génération, ne cessent d’augmenter : ceux générés par les systèmes de commandement, la représentation des situations tactiques du terrain, ou les vidéos transmises par exemple par les drones de combat déployés au Sahel.
Le programme Syracuse aura coûté au total quelque 4 milliards d’euros, dont des engagements importants avec Thalès (354 millions d’euros) et avec Airbus (117 millions) pour le seul Syracuse 4A.
Loin du trio de tête
Quelques semaines après l’humiliation provoquée par l’Australie, qui a renoncé à un contrat de sous-marins français au profit des Américains, le satellite S4A redonne de la fierté à la cinquième puissance du monde. La France dispose déjà d’espaces maritimes souverains sur tous les océans et mers du globe. « Elle a besoin de ce segment-là [l’espace] pour montrer qu’elle a les moyens de ses ambitions, estime Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Politiquement, c’est la mise en évidence que la France reste une puissance peut-être moyenne, mais dont l’étendue d’action reste internationale. »
Le lancement de ce satellite confirme que Paris participe bien à la course aux armements, mais avec deux milliards d’euros d’investissements annuels dans le spatial, la France reste loin du trio de tête : 50 milliards pour les États-Unis, 10 pour la Chine et 4 pour la Russie, selon des chiffres de 2020 du gouvernement français.
En savoir plus
> Le déploiement du satellite, prévu de longue date, tombe à point nommé alors que Paris pousse son projet de souveraineté européenne en matière de défense. La France, qui dispose depuis 2019 d’un commandement de l’espace interarmées, a été imitée cet été par l’Allemagne.
> Au printemps, un exercice militaire spatial, baptisé AsterX, avait été réalisé au Centre national d’études spatiales (Cnes) de Toulouse. Une guerre dans l’espace avait été simulée pendant quatre jours, et le président Emmanuel Macron avait assisté à cette simulation.
> La mise en orbite de ce satellite de dernière génération a éclipsé une prouesse du lanceur lourd européen Ariane 5. La fusée a réalisé « le vol le plus performant jamais mis en œuvre par un lanceur vers l’orbite de transfert géostationnaire », s’est félicité Arianespace. Avec plus de 10 tonnes de chargement, Ariane 5 a battu le record du monde sur cet orbite particulier. Il reste six lancements à Ariane 5 avant de prendre sa retraite. Ariane 6 prendra le relais à partir de 2022.
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