On les aperçoit de loin sur les hauteurs de Wavre ! Ils intriguent, ils surprennent. Certains automobilistes ont l’habitude de les voir en passant sur la Nationale-4, sans vraiment savoir à quoi ils servent. "Ils", ce sont les grands pylônes du site d’émission (Radio-TV) RTBF-VRT. Un terrain de 100 hectares situé au nord-ouest du zoning nord de Wavre.
Inauguré en 1952 par le Roi Baudouin, le Centre d’émission de l’INR (Institut national belge de radiodiffusion) a longtemps diffusé des programmes nationaux en ondes moyennes. Il a aussi émis vers l’Afrique en ondes courtes, notamment vers le Congo. Au fil des ans, le site a été utilisé par la RTB et la BRT, rebaptisées ensuite RTBF et VRT.
Aujourd’hui, le Centre wavrien n’émet plus en ondes courtes, ni en ondes moyennes. La technologie évolue. Wavre n’utilise plus que les transmissions en FM, en DAB + et en TNT, la télé numérique terrestre. Au total, le site compte encore une quarantaine de mâts, dont quatre grands pylônes et une dizaine d’antennes. L’essentiel du dispositif n’est actuellement plus utilisé. Seul un des deux grands pylônes (mesurant chacun environ 240 mètres) est encore fonctionnel de nos jours.
La Tour Eiffel wavrienne
Environ 240 mètres ! C’est la hauteur du pylône principal, utilisé aujourd’hui pour les émissions en FM, DAB + et TNT (télévision numérique terrestre). "La RTBF, la VRT, le réseau Astrid de la police et d’autres opérateurs utilisent ce grand mât", explique Frédéric Jacob, ingénieur RTBF. C’est l’un des trois employés du site.
"De là-haut, on a une vue exceptionnelle sur une bonne partie du Brabant wallon, sur Bruxelles et sur le Lion de Waterloo 1815 (monument situé en fait à Braine-l’Alleud). C’est la plus haute structure du Brabant wallon". Et une des trois plus hautes du pays, derrière l’émetteur VRT d’Egem (305m) et la tour (émetteur) de Leeuw-Saint-Pierre (300m). Le premier bâtiment belge du classement, la Tour du Midi (Saint-Gilles), ne fait que 150m de haut.
"L’histoire du site a été marquée par plusieurs incidents", poursuit l’ingénieur. "Les deux plus importants sont la chute accidentelle d’un grand pylône en 1983 et l’incendie volontaire du grand pylône en 2014". Un acte de sabotage qui a nécessité de coûteux travaux de réparation.
Local de maintenance
C’est à proximité directe du pylône principal, dans un bâtiment technique, que les trois employés du site assurent la bonne continuité des émissions et la maintenance du matériel toujours d’usage. "Il peut aussi arriver, de temps à autre, que nous devions monter en haut du pylône principal pour effectuer des réparations. Le vent, par exemple, peut endommager un élément. Nous devons grimper sur l’échelle. En respectant des consignes strictes. Et là-haut, il vaut mieux ne pas avoir le vertige", avoue l’ingénieur.
Dans les années '50, '60 et '70, le Centre d’émission de Wavre occupait beaucoup plus de monde. "A la grande époque, il y avait environ 30 personnes ici", précise Frédéric Jacob. "Avec la numérisation et les progrès technologiques, il n’était plus nécessaire d’avoir autant de personnes".
Bâtiment fantôme
Le site de 100 hectares compte aussi un énorme bâtiment fantôme… le centre radio inauguré en 1952, désormais inutilisé, ou presque : "Ce grand bâtiment ne sert pratiquement plus que pour des tournages de cinéma et de séries télévisées. Il sert de décor à certaines émissions", explique Frédéric Jacob. Et en voyant la grande salle d’émission, aux dimensions comparables à un grand hall omnisports, on comprend tout de suite pourquoi le lieu séduit. "Cette énorme salle comporte toujours les éléments techniques des années '50, avec son poste de pilotage, ses vieux moniteurs, ses grosses manettes, ses boutons de commande, ses témoins lumineux, ses anciens téléphones et ses armoires contenant les émetteurs. D’un côté, les émetteurs pour les émissions en français ; de l’autre, pour celles en néerlandais" explique l’ingénieur. "A l’époque, on utilisait les ondes courtes et moyennes". Le poste de commande était une sorte de poste d’aiguillage qui permettait de "pointer" les antennes radio dans une direction choisie. Vers l’Afrique, par exemple, à destination des anciennes colonies.
Avec son style "vintage" et ses appareils d’un autre temps, la grande salle de pilotage semble aujourd’hui sortir tout droit d’un film de science-fiction des années '50. Le même bâtiment offre d’autres surprises. Comme un vieux studio radio : "C’était un studio de secours ! Il pouvait être utilisé en cas de crise majeure", explique Frédéric Jacob. En cas de blocage des autres sites, pour cause de grosse panne technique, de conflit ou d’attentat, ce studio de secours permettait aux journalistes radio de reprendre l’antenne et d’émettre directement partout, depuis Wavre.
Deux moteurs de péniche
De nos jours, le sous-sol du grand bâtiment radio sert notamment d’espace de stockage de matériel et de décors d’émissions. "A l’époque, il contenait surtout les locaux techniques : chauffage, ventilation, transformateurs, alimentation électrique,… "Ici, on travaillait avec des installations électriques exceptionnelles. D’où ces panneaux Danger de mort à de nombreux endroits. Dans certaines cabines, la tension était de 36.000 volts"!
Et pour garantir l’alimentation électrique du site en cas de panne de courant, le sous-sol abrite deux énormes moteurs de bateau. "Ce sont des moteurs de péniche que vous apercevez là", explique Frédéric. Ils servaient de groupe électrogène. Leur maintenance nécessitait des interventions fréquentes, pour huiler la mécanique notamment. Inutile de dire que ces moteurs faisaient vraiment beaucoup de bruit", précise l’homme, en terminant la visite.
Le site de Wavre connaîtra cette année un nouvel épisode de son histoire en perpétuelle évolution, avec le démantèlement de plusieurs mâts. La Wallonie aussi compte d’autres sites d’émission, notamment à Anderlues, Liège et Tournai. Sauf exception, ils ne sont pas accessibles au grand public.
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