Alors que la station de télévision de Lille a été inaugurée en 1950, la grande métropole du Nord s'était déjà familiarisée avec ce nouveau média dès les premiers mois de 1939 : des démonstrations au standard officiel de l'époque, le 455 lignes, avaient eu lieu dans le cadre de l'Exposition du Progrès Social avec même, le 14 juillet, la retransmission du défilé en direct (mais en circuit fermé).
Lyon a donc dû, en 1953, céder sa place à Strasbourg pour contrer la menace d'une invasion du 625 lignes allemand dans les foyers alsaciens.
La "Capitale des Gaules", elle aussi, a eu l'occasion d'accueillir la télévision sur son territoire : en octobre 1941, le jeune ingénieur Henri Defrance (ou Henri de France) et la Radio-Industrie ont été forcés de quitter la zone occupée, dans laquelle toute entreprise ou usine de radio-électricité est bannie par les Allemands, pour se replier dans le quartie Saint-Clair, à Lyon.
Pourtant, il existe des exceptions : la Compagnie des Compteurs de Montrouge, où officie le rival de Defrance, René Barthélémy, continue sur place ses expériences et accueille même des dignitaires nazis dans ses locaux. Mais, il est vrai, la CDC s'était alliée à la Telefunken allemande dans le milieu des années 30 dans ses recherches sur la télévision. "Ca crée des liens"... qui vaudront à Barthélémy quelques soucis à la Libération.
Quoi qu'il en soit, Henri Defrance (ou de France) poursuit ses expériences en vue d'améliorer la définition TV. Il a même pour ambition d'atteindre 1015 lignes, une folie à l'époque, mais devra pour le moment se contenter de 567 lignes, qui est déjà la définition la plus élevée, dépassant de peu le 525 lignes que les Américains du NTSC (National Television System Comittee, Comité du Système National de Télévision) viennent d'adopter en juillet 1941 aux dépens du 441 lignes de la RMA (Radio Manufacturers Association, Association des Constructeurs Radio américains).
Le studio TV de la Radio-Industrie à Lyon en 1941
La caméra 567 lignes conçue par Henri de France
C'est ce même Henri Defrance (devenu entretemps Henri de France) qui mettra au point le (tristement) fameux 819 lignes adopté en 1948 par François Mitterand, Secrétaire d'Etat à l'Information, sur l'insistance pressante de Wladimir Porché, alors Directeur de la RTF. A l'argument de la "plus belle image du monde" s'ajoutaient des considérations plus bassement matérielles, à savoir le refus de devoir payer aux Américains des royalties pour la version européenne (qu'ils avaient imposé à l'Allemagne vaincue et en pleine reconstruction) de leur nouveau standard à 525 lignes mué en 625 lignes par les vertus du courant secteur à 50 périodes en Europe, au lieu du 60 périodes nord-américain. En évitant de recourir à la même définition et aux mêmes choix techniques, par exemple en gardant la polarité vidéo positive et le son en AM, la France évitait d'avoir à payer des droits aux Américains et aux Allemands, tout en les dissuadant de vendre leurs téléviseurs, uniquement conçus pour le 625 lignes "européen"...
L'Histoire démontrera rapidement que ce choix désastreux, non seulement isolera la France pendant longtemps, mais provoquera aussi un retard considérable dans la production des matériels d'émission, bien plus délicats, dans la construction du réseau, bien plus cher et bien plus gourmand en fréquences, et surtout pour la construction des téléviseurs qui ne pourront pas être adaptés au 625 lignes UHF, seul moyen possible d'installer de nouvelles chaînes en France, avant une modification totale de leur conception, seulement possible à partir de 1961.
Le Gouvernement récidivera en 1967 avec l'adoption du SECAM (également inventé par Henri de France à la fin des années 50), alors que tous les autres pays européens adopteront le PAL allemand, dérivé du NTSC américain. A la conférence de Stockholm où les Français auraient pu défendre un système mixte, la représentation française fut, on ne sait pourquoi, confiée à un haut fonctionnaire qui ignorait tout de la télévision, tandis que le Général de Gaulle, on ne sait pas non plus pourquoi, interdit en personne le départ pour Stockholm du camion technique de démonstration qui aurait permis cette "troisième voie"
(informations révélées dans un des livres du pionnier de la télévision, Marc Chauvierre).
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