On a suivi la « brigade des ondes », chargée d’enquêter sur de mystérieuses perturbations invisibles
Correspondance, Stéphane DUBROMEL.
L’Agence Nationale des Fréquences met de l’ordre dans les ondes de tous nos appareils quotidiens. Reportage avec une équipe chargée du contrôle de ce que nous ne voyons pas.
Trônant sur un bâtiment en plein centre de Bailleul, dans le Nord, l’antenne a transmis l’alerte. Quelque chose de pas net perturbe le spectre électromagnétique du secteur d’un opérateur de téléphonie mobile. La bande 2 500 mégahertz est concernée. La perturbation concrète ? C’est secret, mais ça brouille.
L’opérateur a alors prévenu l’agence nationale des fréquences (ANFR) pour mener l’enquête et remonter à la source de la perturbation. Nicolas, technicien du contrôle du spectre a sillonné le quartier, au volant d’une étrange camionnette bardée d’antennes. « On investigue dans les rues y compris les immeubles, les entreprises, on fait des mesures à différents endroits, jusqu’à ce que le niveau reçu par notre appareil soit le plus élevé possible. On se cale sur la fréquence donnée par le plaignant. On filtre les autres fréquences pour ne pas gêner la mesure et on isole la fréquence perturbée. » Une sorte de chasse aux mauvaises ondes.
Antenne goniométrique
David, lui, a vu l’étrange camionnette garée devant chez lui. Il a reçu un courrier recommandé de l’ANFR quelques semaines avant, l’informant qu’un brouillage venait de son domicile. Du sérieux, avec liseré de la République Française, et articles de lois à l’unisson. Assermentés, les contrôleurs de l’ANFR peuvent venir à votre domicile. Guillaume, technicien également, sort son antenne goniométrique et commence ses mesures. Il vise la maison et les courbes s’affolent.
À l’aide d’une antenne goniométrique, le technicien mesure les fréquences du secteur. (Photo : Stéphane Dubromel / Ouest-France)
L’équipe soupçonne des caméras de surveillance mal réglées. Acheté en ligne en provenance de Chine, le matériel n’est pas toujours paramétré pour l’Europe. C’est le cas ici. Après bidouillage, l’analyseur de spectre est formel. Plus de brouillage. Mission accomplie. Du tout-venant pour la « brigade des ondes ».
Depuis la découverte en 1887 par Heinrich Hertz de l’existence des ondes électromagnétiques, le spectre des fréquences les mettant en ordre s’est bien rempli. Communications militaires, radio, wifi, Internet, GPS, télévision, mais aussi micro-ondes ou encore plaques à induction, la puce RFID du chat, les compteurs électriques, et bien d’autres, le monde est ondes.
Des brouilles intentionnelles
Les fréquences émises par tous ces appareils ne doivent pas se chevaucher. Sinon, c’est la brouille. Du brouillage accidentel comme à Bailleul, mais aussi parfois intentionnel. Que fait un trafiquant qui veut chiper du carburant dans une raffinerie proche de l’aéroport de Marseille ? Il utilise un brouilleur GPS dans son camion pour ne pas se faire prendre par son employeur. Le souci est qu’il brouille les GPS des avions qui doivent atterrir à vue, à l’ancienne. Un jeu dangereux qui sera repéré par l’ANFR en 2019.
Idem pour du détournement de béton à Lyon, ou pour échapper à la surveillance d’un patron en 2023, dans la même ville. Les ondes trahissent si l’on cherche à les déplacer.
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