Le Sénat pousse fortement en faveur d'une réforme à l'allemande, où tous les foyers payeraient la redevance qu'ils aient, ou pas, un téléviseur.
Depuis quelques semaines, les critiques s'abattent de toute part sur l'audiovisuel public, appelé à une grande réforme . Notamment sur son financement, avec au centre, la fameuse contribution à l'audiovisuel public (CAP), c'est-à-dire la redevance.
Ce sujet épineux fait partie des chantiers explorés par la ministre de la Culture. Françoise Nyssen l'a redit fin octobre devant les sénateurs : « La réflexion sur (la) réforme de l'assiette de la CAP ne peut plus attendre. Le gouvernement a décidé de l'engager [...] Toutes les pistes seront explorées, sans tabou. »
Réforme à l'allemande
Dans un nouveau rapport (l'avis budgétaire de la Commission culture du Sénat sur le projet de loi de finances, dont les crédits ont été votés dans l'Hémicycle cette semaine), le Sénat pousse fortement en faveur d'une réforme à l'allemande, où tous les foyers payeraient la redevance qu'ils aient, ou pas, un téléviseur.
Une telle extension de l'assiette toucherait principalement les catégories socio-professionnelles supérieures, estime le Sénat, s'appuyant sur un rapport de la Cour des comptes (non public). Selon une estimation sur les ménages ayant accès au haut débit, 900.000 foyers pourraient intégrer l'assiette, soit un rendement d'environ 100 millions d'euros (en comptant les dégrèvements). Cela permettrait en outre de réduire la fraude.
Un rapport de deux députées, cette fois, publié en novembre, va aussi dans le sens d'une taxation universelle. Le Sénat craint que Bercy ne soit tenté d'intégrer l'audiovisuel public au budget de l'Etat (et non dans un compte spécial), ce qui introduirait de l'incertitude pour les patrons de ces entreprises.
124 euros, la « vraie » redevance ?
Quoi qu'il en soit, la seule CAP actuelle ne permet pas de financer tout l'audiovisuel public, depuis l'arrêt de la suppression de la publicité . Et ce, même si elle a beaucoup augmenté.
Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la Commission culture, rappelle que la CAP est passée de 118 euros en 2009 à 137 en 2016, sous l'effet de mécanismes de surindexation sur l'inflation et de « coups de pouce » volontaires du gouvernement.
En les excluant, la Cour des comptes estime que la redevance aurait dû être de 124 euros en 2016. Cette taxation très impopulaire reste toutefois inférieure à nos principaux voisins.
France TV pourrait coûter aussi cher que Canal+
La sénatrice Catherine Morin-Desailly a encore enfoncé le clou, mardi, lors d'un colloque qui se tenait à l'université Panthéon-Assas à Paris. « La redevance s'établira à 139 euros en 2019 ce qui correspond à plus de 11,50 euros par mois. Si l'on ajoute les 6,99 euros que pourrait coûter l'abonnement à la plate-forme SVOD de France Télévisions le prix du service public pourrait approcher l'offre de base de Canal +.»
Avec, en fond, la question de savoir si l'audiovisuel public « vaut » réellement ces 20 euros. « La différenciation entre chaînes publiques et privées tend à s'estomper », a-t-elle ajouté, lançant « quelle est la pertinence de diffuser des séries américaines à 21h ? »
En rendant la redevance universelle, les sénateurs estiment qu'elle pourrait baisser. Mais, il faut, selon eux, réfléchir au « bon tarif », pour essayer de supprimer toute publicité commerciale sur les antennes, gage d'une spécificité du public.
La Suisse doit voter en mars sur la suppression, ou pas, de sa redevance. Le scrutin sera riche d'enseignements.
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