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Mode arborescent

  1. #11
    Membre Avatar de Colorix
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    juillet 2013
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    De Defrance à "de France" en faisant un petit tour [par] "De Gaulle"... un peu d'histoire et même de préhistoire télévisuelle !

    Au début des années 30, alors qu'au Royaume-Uni il n'y avait pratiquement qu'un seul chercheur en matière de télévision, l’Écossais John Logie Baird
    , et qu'en Allemagne les recherches étaient surtout menées par la société Telefunken, en France il y avait trois principaux chercheurs concurrents : René Barthélémy, ingénieur à la Compagnie des Compteurs (C.D.C.) installée à Montrouge, le jeune Henri Defrance (oui, en un seul mot) qui faisait des recherches dans son petit laboratoire du Havre où il avait créé une Compagnie Générale de Télévision, et dans une moindre mesure, Marc Chauvierre dont la famille possédait l'usine de composants électroniques Integra.

    Assez rapidement, la C.D.C. et Telefunken signèrent des accords de coopération dans les études sur la télévision, qui se poursuivirent à Montrouge après l'armistice de 1940, alors que toutes les activités sur la radio-électricité étaient en principe interdites dans la Zone Occupée. Pour cette raison, Henri Defrance dut quitter Le Havre pour s'installer à Lyon et poursuivre ses recherches centrées sur la télévision à haute définition.

    A la Libération, René Barthélémy eut quelques déboires du fait de la collaboration entre la C.D.C. et la Telefunken, mais semble-t-il, il réussit à convaincre ses accusateurs que ses travaux n'avaient pas d'incidence sur l'effort de guerre nazi. Henri Defrance n'était pas, lui non plus, exempt de quelques soupçons de complaisance envers Vichy, car ses démonstrations publiques de télévision en 567 lignes comportaient des photographies de "Maréchal nous voilà".... Pour plus de détails voir ici le sujet consacré à cette période.

    Prémices de la mondialisation actuelle, le Plan Marshall d'après-guerre participant à la reconstruction des dommages de guerre dans toute l'Europe prévoyait déjà l'avenir : la télévision, naissante aux États-Unis (où le standard définitif N.T.S.C. à 525 lignes datait de 1941), allait à terme se développer aussi dans ces pays quand ils iraient mieux.

    Aussi les Américains prirent-ils leurs concurrents européens de court en imposant aux Allemands leur 525 lignes à polarité vidéo négative et au son FM, adapté du courant secteur 60 Hz vers l'européen à 50 Hz et donnant... 625 lignes. A la clé, bien sûr, les brevets couvrant ces caractéristiques techniques. Pour résumer : soit vous nous achetez notre 625 lignes, soit vous payez les royalties pour émettre avec cette définition, en vidéo négative et son FM !

    La France n'avait aucune urgence à créer son réseau de télévision, tous les efforts étant faits pour reconstruire - centre ondes longues d'Allouis compris - la quasi-totalité de ses émetteurs radio détruits par les Nazis battant en retraite.

    Henri Defrance eut donc beau jeu de pousser Wladimir Porché, à la tète de la R.T.F. à éviter de payer tous ces droits aux Américains (droits sur, rappelons-le, tous les matériels : téléviseurs, mais aussi caméras, régies, télécinémas, émetteurs...). En attendant des jours meilleurs qui lui permettaient de pousser plus avant ses travaux, la R.T.F. se contenterait de faire tourner la station 441 lignes laissée intacte par Kurt Winzman, les débuts d'un réseau national ne pouvant être économiquement envisagés avant 1950.

    Et c'est ainsi qu'un certain François Mitterrand, secrétaire d’État à l'Information, se laissait convaincre par Wladimir Porché d'adopter le 819 lignes de Defrance, qui n'émettait pas en 625 lignes mais en 819, qui restait en polarité vidéo positive et son AM au lieu d'adopter la vidéo négative et le son FM, d'un confort plus poussé pour les utilisateurs (parasites industriels et automobiles noirs moins gênants que les blancs, son FM de meilleure qualité et, plus tard, permettant la stéréo). On sait ce qu'il en est advenu avec le développement des réseaux en Europe la décennie suivante.

    Quant au SECAM, s'il avait le mérite d'améliorer de graves défauts du N.T.S.C. américain (seul système alors opérationnel), il eut la malchance de voir arriver une efficace correction de ceux-ci par l'Allemand Walter Bruch (ancien cameraman de la TV nazie aux J.O. de Berlin en 1936). Marc Chauvierre nous a expliqué, et il en a déjà été question ici, que c'est De Gaulle en personne qui a refusé un mariage du SECAM avec le PAL allemand, dans un système commun qui aurait été adopté par tous les pays européens. Peut-être est-ce dû surtout à des impératifs politiques, "Mon Général" ayant réussi à convaincre les Soviétiques (et donc tous leurs pays satellites du Bloc de l'Est, sauf la R.D.A.), de lui acheter son S.E.C.A.M., largement devancé par son rival dans le reste du monde non communiste.

    Symbole de l'Histoire : non seulement Henri de France (qui a gagné une particule après la Libération) bénéficie d'une vaste esplanade à son nom sur laquelle trône le siège des télévisions d’État, mais ce pauvre René Barthélémy n'a plus pour tout hommage, qu'une discrète plaque à l'endroit où se dressaient les défunts Studios des Buttes-Chaumont, rebaptisés "Centre René Barthélémy" deux ans après sa mort survenue en 1954, et entièrement rasés 40 ans plus tard pour en faire des immeubles résidentiels...

    Sic transit Gloria !
    ("Ainsi passe la gloire"...)
    Dernière modification par Colorix ; 19/11/2017 à 16h34.
    Colorix
    Louis Marie Foratier

    -------
    décédé en janvier 2020

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