En 1970, trois ans après l'apparition de la couleur - PAL ou SECAM - dans les pays limitrophes du Grand-Duché, les téléviseurs capables de recevoir les émissions en 625 lignes sont de plus en plus nombreux dans la zone de réception de Télé-Luxembourg. notamment dans ses parties captant les émissions allemandes et belges. Les téléviseurs multistandards sont en effet courants en Lorraine et en Alsace "bossue" (le versant ouest des Vosges du nord), et la Deuxième Chaîne ORTF s'est développée dans l'Est depuis cinq ans.
En 1970 donc, la télévision belge francophone R.T.B. (qui deviendra plus tard la R.T.B.F.) décide d'aligner ses émetteurs sur la norme belge flamande de la B.R.T., en les faisant basculer de 819 lignes (norme F) en 625 lignes (norme C) afin de permettre, à terme, de les équiper pour la couleur au système PAL. Cette introduction sera progressive car certains matériels et studios sont encore en 819 lignes, ce qui vaudra aux speakerines belges d'inviter pendant quelque temps les téléspectateurs à passer de 625 en 819 lignes, et inversement, en fonction du programme. Par la suite, des systèmes automatisés incorporés dans les téléviseurs permettront ce changement automatique de définition à partir du signal reçu de l'émetteur, épargnant au téléspectateur de devoir faire la manœuvre lui-même sur son récepteur... Une spécificité belge de plus !
En effet, selon alain-radio, un des modérateurs de tnt-62, l'intéressant forum régional du Pas-de-Calais :
"Même après le passage en 625 lignes certains reportages, notamment venant de France et qui étaient reçus en 819 lignes passaient ainsi sur la télé en Belgique. Pendant des années j'ai entendu la formule " et maintenant nous vous invitons à passer en 819 lignes pour voir le suite de nos programmes" Après quoi, annonce en sens inverse, nous vous invitons à repasser en 625 lignes. Les téléviseurs plus modernes faisaient la conversion automatiquement par un signal envoyé par l'émetteur. Comme il n'y avait aucune télécommande, il ne fallait alors plus se lever de son fauteuil !"
Cette même année 1970 et dans la même optique, Télé-Luxembourg abandonne le 819 lignes sur son canal E7, permettant aux téléspectateurs belges de la capter dans les mêmes conditions que leurs émissions nationales.
Parallèlement, pour les téléspectateurs français, un émetteur UHF d'une puissance apparente rayonnée de 1000 kW ést mis en service sur le canal 21 avec les mêmes caractéristiques techniques que celles de la Deuxième Chaîne ORTF : norme L, polarité positive de la vidéo, son AM entre autres. Avec, toutefois, un diagramme directionnel d'antenne principalement orienté vers le Nord-est de la France, et plus particulièrement la Lorraine.
Cependant, les téléspectateurs français éloignés ne sont pas en mesure de le capter car sa zone de service est bien moins vaste que celle du canal E7 en VHF. Dans les régions de Châlons-sur-Marne (qui deviendra Châlons-en-Champagne), Reims, Epinal, dans l'ouest du département des Ardennes et le nord de la Haute-Marne, ils se voient désormais privés de cette station à laquelle ils se sont d'autant plus attachés qu'ils ont souvent investi dans des installations coûteuses pour la recevoir :
Une installation de réception à longue distance de Télé-Luxembourg à Reims (Marne)
Deux longues antennes captent le canal E7 en polarisation horizontale,
tandis que le petit râteau en polarisation verticale capte la RTF de Reims sur le canal F5,
d'abord sur le petit émetteur provisoire de la tour PTT de Vrigny, puis sur Hautvilliers.
Après l'abandon du canal E7, Télé-Luxembourg ne sera plus capté à Reims.
Merci à kiki37 pour ce document techniquement et historiquement très intéressant.
Pour en savoir plus sur le "rotateur" (ou "rotor") d'antenne, cliquer ici
Entre temps, à l'automne 1972, la couleur fait enfin son apparition sur Télé-Luxembourg : en PAL sur le canal E7 désormais destiné à l'Est de la Belgique, et en SECAM sur le canal 21 principalement reçu en Lorraine.
A Nancy, nous le verrons très prochainement, le canal 21 est d'ailleurs désormais reçu bien plus confortablement que l'ancien canal E7, qui obligeait les installateurs à équiper les téléviseurs d'un "réjecteur", augmentant ainsi le prix d'achat des téléviseurs (nous en reparlerons en abordant la mise en service des émetteurs lorrains de la R.T.F.). Par contre, la réception hors de la Lorraine est désormais bien plus aléatoire, l'O.R.T.F. n'ayant aucun scrupule à mettre en service sur ce même canal 21, des réémetteurs de la Deux dans le Sud des Vosges ou en Champagne, interdisant toute réception à longue distance de l'émetteur luxembourgeois.
En 1978, dans le cadre de son développement de la télévision, la C.L.T. envisage sérieusement de s'attaquer au marché ouest-allemand grâce à son puissant émetteur VHF reçu presque jusqu'aux portes d'Aix-la-Chapelle, Francfort ou Stuttgart : la Sarre, la Rhénanie-Palatinat et le pays de Bade pourraient parfaitement recevoir le canal E7, qui a l'avantage de pouvoir être immédiatement reçu par les téléviseurs d'outre-Rhin en le basculant simplement à la norme B allemande (625 lignes, polarité vidéo négative, son FM notamment), et en orientant ses antennes vers l'Allemagne de l'Ouest.
Un émetteur complémentaire est donc mise en route sur le canal 27 UHF, à la norme G PAL proche de la norme H belge (une simple question de bande "vestigiale" entre canaux les différencie), avec son diagramme orienté lui aussi vers l'Est de la Belgique. Comme les Lorrains quelques années plus tôt, les Wallons seront appelés à un moment ou à un autre à abandonner le canal E7 au profit du canal 27.
Mais le 31 juillet 1981 à la mi-journée, un Mirage de l'Armée de l'Air belge percute de plein fouet la moitié supérieure du pylône de Dudelange, qui, lourde d'une centaine de tonnes, s'effondre avec ses antennes, faisant en plus du pilote belge, deux victimes parmi le personnel de la station, un technicien et son épouse en train de déjeuner :
La moitié inférieure du pylône après l'accident du 31 juillet 1981.
Haut de 285 mètres, il sera reconstruit à l'identique en 1982.
Document : Wikipedia - © Schaefc
L'accident de Dudelange évoqué le jour-même dans les
journaux télévisés de la R.T.B. et de Télé-Luxembourg
© Documents RTBF et RTL-TVi
Source : Antoine Libotte
(vidéo originale V2000 convertie en VHS puis numérisée)
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En plus du deuil qui la frappe, la catastrophe est économiquement terrible pour Télé-Luxembourg, privée de diffusion hertzienne sur ses trois canaux et obligée de reconstruire entièrement un pylône émetteur, ce qui ne se fait pas en quelques jours.
Dès le lendemain, en compensation des dommages créés par son avion militaire, la Belgique met fin au monopole de la R.T.B.F. et de la B.R.T. en autorisant le relais de Télé-Luxembourg sur les réseaux câblés belges. Or ceux-ci sont en plein développement dans tout le pays, ce qui ouvre à Télé-Luxembourg les portes de l'ensemble du marché belge de la publicité télévisée, à laquelle les chaînes publiques n'ont pas accès.
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