Les antennes d'émission TV en France dans les années 50-60 : la Corse
Peu de temps après son démarrage officiel le 3 janvier 1954 à Rome, Milan et Turin, la RAI italienne a commencé à développer, bien plus rapidement que la RTF, son réseau d'émetteurs TV dans sa péninsule mais aussi dans ses îles : dès 1957-1958, la Sardaigne est reçue à Ajaccio depuis l'émetteur du Monte Oro, au nord-ouest près de Sassari :
Ajaccio : réception TV et FM de l'émetteur RAI de Sassari (Sardaigne)
En haut, l'antenne bande III capte le canal italien E-h (183,75-189.25 MHz)
Dessous, l'antenne FM 4 éléments reçoit les trois radios nationales de la RAI
(en bas, l'extrémité d'un brin de l'antenne bande I captant la RTF d'Ajaccio)
Dans l'est de l'île, Bastia et la plaine orientale reçoivent, selon le cas, les émetteurs de Rome (Monte Mario), de Pise (Monte Serra) et de Grosseto (Monte Argentario).
Malgré des déclarations plus ou moins bravaches du Général Leschi, ce vieux Corse chargé du déploiement du réseau national (voir ici la fin de ce document posté par kiki37), la R.T.F. éprouve les mêmes inquiétudes à l'égard de la réception du 625 lignes italien dans l'Ile de Beauté, que pour les émissions allemandes en Alsace quelques années plus tôt : de même que la langue alsacienne est très proche de l'allemand, de même la langue corse est-elle très voisine de l'italien. Les îliens risquent d'acheter des postes qui ne pourront pas capter les émissions en 819 lignes...
Le 20 décembre 1958 est donc mis en service un petit émetteur provisoire de 50 Watts non loin du château de La Punta, sur les hauteurs du Pozzo di Borgo qui s'élève à 770 mètres au-dessus de la baie d'Ajaccio :
Mise en service de l'émetteur provisoire d'Ajaccio par la RTF :
les techniciens mettent au point les réglages des antennes.
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Document © INA
Un petit pylône d'une vingtaine de mètres reçoit, sur sa face sud, deux panneaux bande I en polarisation horizontale :
Les deux panneaux rayonnants en bande I surmontent deux
antennes Yagi dont le rôle exact n'est pas défini : remplacement
des panneaux en maintenance, ou contrôle de leur "retour" sur
un oscilloscope ou un téléviseur ? Le mystère reste entier...
Document © INA
Cet emplacement permet de recevoir, en un seul bond de 224 km, le signal du Pic de l'Ours et de le diffuser sur le canal F4-H, dans un rayon de quelques kilomètres autour d'Ajaccio :
Ce petit émetteur n'est qu'un pis-aller. Bastia et ses proches environs ne seront desservis avec la même puissance provisoire de 50 Watts qu'en 1960, sur le canal F2-V depuis le site de Serra di Pigno dominant la ville de ses 960 mètres.
Il faudra attendre 1965, en prévision de l'arrivée imminente de la Deuxième Chaîne, pour que les stations corses subissent enfin de profondes mutations :
- le petit relais de La Punta est remplacé par un émetteur dix fois plus puissant (500 Watts) à Coti-Chiavari, au sud de la baie d'Ajaccio, obligeant les téléspectateurs à réorienter leurs grandes antennes bande I dans sa direction.
- à Bastia, l'équipement provisoire de 50 Watts laisse la place à un émetteur de 3 kW désormais reçu jusqu'en Italie, toujours sur le canal F2-V.
L'année 1966 voit donc arriver les émissions de la Deuxième Chaîne en 625 lignes UHF dans l'île, sur le canal 21-H à Ajaccio (10 kW) et sur le canal 47-H à Bastia (20 kW), également reçu en Italie.
Parallèlement, la diffusion de la Première Chaîne est étendue au centre de la Corse avec la mise en service de l'émetteur de Antisanti, près de Corte, sur le canal F6-H avec une puissance crête-image de 500 Watts. Il accueillera l'année suivante un émetteur UHF de 2 kW diffusant les émissions en couleurs de la Deux sur le canal 61-H.
Le relief très montagneux de l'Ile de Beauté oblige l'ORTF à installer de nombreux réémetteurs de faible puissance, mais la proximité de l'Italie, et à un deuxième degré, d'autres pays méditerranéens en vue directe de la Corse (Espagne, Algérie notamment) restreint les possibilités en fréquences. Les techniciens de l'Office sont parfois obligés d'orienter leur diagramme d'émission en direction d'un village précis, laissant un ou plusieurs autres dans un "noir télévisuel" complet... A en croire la presse de l'époque, il arrive fréquemment que des expéditions nocturnes soient organisées pour aller discrètement tourner les panneaux d'émission dans une autre direction, provoquant ainsi des querelles de clocher d'un nouveau genre...